Informations utiles pour protéger la forêt
De notre adhérent René Adam, fan d’oiseaux (Ligue de Protection des Oiseaux) et ami de la forêt
Cet oiseau fait partie de la famille des picidés comprenant 240 espèces dans le monde, la plupart forestières. La France accueille 9 espèces de pics parmi lesquelles figure le pic noir. Il est le plus grand de nos pics, de la taille d’une corneille noire, mais plus petit d’envergure. De la pointe du bec à la pointe de la queue, il mesure 45 à 47 cm, d’un bout à l’autre des ailes 65 à 70 cm. Son plumage est noir sauf la calotte rouge pour le mâle et seulement la nuque rouge pour la femelle. L’œil et le bec sont clairs.
Sa morphologie très particulière lui permet de grimper le long des troncs. Ses griffes acérées lui assurent une prise ferme sur les troncs et les plumes rigides de la queue lui servent de point d’appui et sont comparables à des lames de ressorts quand il creuse le bois ou tambourine. Pour conserver une queue ferme et fonctionnelle, les deux rectrices centrales (plumes de la queue) muent quand les rectrices latérales ont fini leur croissance. Le bec est comparable à un ciseau à bois de menuisier, mais ce dernier est moins performant. Le ciseau à bois diminue de longueur à chaque affûtage, alors que le bec du pic noir pousse de 3 à 5 dixièmes de millimètre par jour. Les griffes ont également une croissance continue compensant l’usure quotidienne. La langue est longue, effilée et son extrémité cornée et garnie de crochets. Elle lui permet d’extraire les larves de bois dans leur galerie.
Un couple a besoin de 400 à 800 ha de forêts pour vivre et élever ses jeunes. Leur nourriture est composée principalement d’insectes saproxylophages* de scolytes, de fourmis...
Au printemps, le pic noir tambourine pour délimiter son territoire et attirer sa femelle dont il était séparé depuis l’automne et l’hiver. Chez le pic noir le tambourinage remplace le chant. Pour le mâle et la femelle il consiste à donner de violents coups de bec sur une branche morte qui résonne jusqu’à environ 1 km de distance.
En général, le couple réutilise la même cavité d’une année sur l’autre, mais il peut aussi en creuser une nouvelle. Mâle et femelle participent au forage de la cavité située souvent dans un hêtre de grande taille, au tronc lisse et faisant 8 à 10 m de hauteur. Le tronc lisse décourage la martre qui est le principal prédateur du pic noir (nichées et adultes). L’intérieur de cette loge mesure environ 40cm de diamètre et 60cm de profondeur. J’ai eu l’occasion, sur un arbre tombé à terre, de voir que les parois intérieures de la loge en vieillissant se recouvraient d’une fine couche de mousse.
La femelle pond 4 œufs blancs luisants qui sont couvés aussi par le mâle. L’incubation est de 12 à 15 jours. Les nourrissages sont très « espacés » : 8-12 à 29 becquées par jour pour toute la nichée. En comparaison, une seule petite mésange charbonnière au nid reçoit 30 à 70 becquées par jour. Les jeunes pics mangent la même nourriture que les adultes. A environ 27 jours, ils quittent le nid et sont accompagnés par le mâle, puis ils se dispersent parfois à plusieurs centaines de kilomètres de leur lieu de naissance.
En France, l’aire de répartition du pic noir longtemps limitée aux forêts de montagnes s’étend maintenant aux forêts de plaine. Il occupe actuellement tout l’hexagone à l’exception d’une petite frange côtière méditerranéenne.
Comment retenir le pic noir dans nos forêts ?
Sachant que 80 % des cavités de pics noirs sont creusées dans des hêtres, il est primordial de garder des bouquets de hêtres en futaie de façon à lui offrir des sites potentiels de nidification. Les hêtres doivent mesurer 50 cm de diamètre au minimum, avoir un tronc lisse de 8 à 9 m de hauteur et former un bouquet conséquent. En effet un arbre isolé recevra trop de lumière et émettra de nouvelles branches. L’arbre ne sera pas utilisé car la martre pourra facilement monter de branche en branche pour arriver à la cavité du pic et manger ce dernier.
NB : Il est donc impératif :
Par ailleurs, les cavités abandonnées par le pic noir sont utilisées par de nombreux locataires : Chouette de Tengmalm, pigeon colombin, écureuil, chauves-souris, sittelle torchepot, insectes divers...
Pourquoi attirer ou garder le pic noir dans nos forêts ?
Adulte, il se nourrit et nourrit ses petits notamment de scolytes. Une becquée donnée aux petits peut contenir jusqu’à 1000 scolytes, par exemple des Ips typographes. La capture des larves de scolytes est longue et explique souvent le nombre restreint de nourrissages au cours d’une journée. En comptant 8 nourrissages par jour au minimum par le couple durant 27 jours l’impact sur une population de scolytes peut donc être très important. N'oublions pas que le couple se nourrit également lors de la collecte pour les becquées. Pour contenir la pullulation de scolytes, favorisée le plus souvent par la monoculture, il est intéressant pour le forestier d’avoir auparavant préservé le territoire du pic noir pour diminuer l’ampleur des attaques.
Une petite anecdote : je me promène en forêt dans le Mont Forchat en compagnie de mon petit-fils quand il me dit : écoute Papy. Il me fait entendre un martellement contre un tronc. Nous situons le bruit en direction d’un épicéa à environ 7/8 m de haut où nous entrevoyons un pic noir. Je lui suggère d’attendre qu’il s’envole et ensuite nous irons voir si quelque chose est tombé au sol. Une fois le pic noir parti nous allons au pied de l’arbre. Nous trouvons à terre de l’écorce perforée de petits trous. En regardant le tronc, nous situons cette écorce juste sous le houppier. Le pic noir venait de manger quelques scolytes dans cet épicéa qui subissait le début d’une attaque.
Lors d’une réunion forestière à destination de propriétaires forestiers privés, je me rappelle une phrase d’un professionnel, gestionnaire d’une coopérative forestière qui annonçait : l’Ips typographe n’a pas de prédateur !
Pour répondre à cette remarque, le prochain article parlera d’UN AUTRE GRAND PREDATEUR des scolytes présents dans les conifères et les feuillus à préserver et favoriser au même titre que le pic noir.
René ADAM
*Insectes saproxylophages : insectes qui à un ou plusieurs stades de leur vie consomment du bois mort.
Bibliographie : Les Passereaux d’Europe Tome 1, Des coucous aux merles, de Paul Géroudet, édition mise à jour par Michel Cuisin, Delachaux et Niestlé.
Article : Le Pic Noir© ASLFVH 2022 - réalisation pitoo.com